Wednesday, February 5, 2014
Tuesday, February 4, 2014
« Violences Religieuses en Asie : Anciennes et Nouvelles Dynamiques » par MM Mohamedou
« Violences Religieuses en Asie : Anciennes et Nouvelles Dynamiques »
Conférence
devant l’Association Genève-Asie
et
et
le
Cercle des Amitiés Internationales
Genève, mercredi 29 janvier 2014
Mohammad-Mahmoud
Ould Mohamedou
Graduate
Institute et Geneva Centre for Security Policy
« Violences Religieuses en Asie :
Anciennes et Nouvelles Dynamiques »
Bonsoir.
Chers amis, chers collègues, Mesdames et
Messieurs, merci pour votre chaleureux accueil et votre aimable présence.
Je suis particulièrement heureux d’être parmi
vous ici ce soir, et je voudrais, avant toute chose, remercier l’Association
Genève Asie ainsi que le Cercle des Amitiés Internationales pour leur aimable
invitation. Celle-ci m’honore grandement et je me réjouis de cette opportunité qui
m’est donnée d’intervenir devant une telle assemblée, qui a une longue et riche
histoire. Je remercie en particulier les présidents des associations, M. Olivier
Turrettini et M. Michel Veuthey, pour leur
amabilité et pour cette initiative.
C’est avec un réel plaisir que je voudrais sur
cette thématique qui a été retenue — « Violences Religieuses en
Asie : Anciennes et Nouvelles Dynamiques » — partager avec vous quelques
brèves observations afin, je l’espère, de nourrir une réflexion dans cet Esprit de Genève qui nous est commun (et
dans, donc, ce lieu particulièrement approprié) ; une réflexion qui sera
également nécessairement continue et ouverte, sur une question qui est présente
autour de nous, de façon à la fois diffuse et circonscrite, immédiate et
distribuée sur une plus longue période, et qui est malheureusement dans l’actualité
de notre époque de façon prégnante.
Je rencontre cette thématique de
radicalisation régulièrement dans mes recherches académiques depuis une
vingtaine d’année sur la violence politique, le terrorisme transnational, les
transitions sociopolitiques et la formation de l’État, et c’est là une occasion
bienvenue d’examiner ces aspects particuliers sur la religion ce soir.
Lorsque l’on observe le monde aujourd’hui — au-delà
de cette violence politique et ce terrorisme dont j’ai fait mention — un autre
type de violence, dans un autre registre, est visible, et à tendance à de plus
en en plus dominer ces animosités auxquelles nous pouvons assister. Cette
réalité, cette scène, est celle que je voudrais aborder avec vous en partageant
quelques idées ancrées dans la nature de cette évolution et sa visibilité dans
une aire asiatique comprise largement, notamment à l’occasion des projections
transnationales de cette violence ; ces capacités qu’ont les acteurs de
tous types, notamment les groupes armés, désormais de projeter leurs actions
bien au-delà de leur aire d’action, à la fois de façon physique mais également
de façon perceptuelle, selon par exemple la visibilité médiatique et toutes
sortes de relais qu’offre la mondialisation.
Religion(s), violence(s), temporalité(s) et
géographie(s) seront donc le matériau de cette charpente autant analytique que
résultante d’une observation historique.
Mon point de départ est, logiquement, la
religion ou plutôt les religions. En tant que série de croyances, de visions du
monde, de systèmes culturels et de récits, la religion se prête, voire invite, une
certaine disposition comportementale.
Rarement est-elle, n’est-ce pas, confinée à
l’évanescent et au spirituel, même si paradoxalement c’est précisément là son
objet fondateur, cette « contemplation de l’Éternel ».
Elle introduit, en tous les cas, des
dimensions de sacralité qui sont conséquentes ; une moralité, une éthique,
un mode de vie dans certains cas (on dit souvent, par exemple, et ce n’est pas
forcément une exagération, que l’Islam n’est pas « simplement » une
religion, c’est un mode de vie).
La religion dans sa plénitude embrasse un large éventail d’activités sociales et de paramètres
sociétaux qui englobent donc le potentiel
recours à une expression radicale de ces convictions (des extrémismes qui
n’iraient pas jusqu’à la violence ; brimades, exclusions, discriminations,
discours haineux), d’abord, puis toujours potentiellement une expression violente
de ces certitudes (je laisse de côté, ici, les rituels, cérémonies et autres
initiations qui peuvent également s’illustrer par diverses formes de violence).
Aussi, si la perception ambiante à ce stade de
l’histoire mondiale est que la laïcité est une valeur de plus en plus répandue
internationalement, et si de larges zones de notre monde — le monde occidental
et le monde asiatique notamment — vivent depuis des décennies sous le
« crépuscule des idoles » ou « des dieux », selon que l’on
suivra Nietzche ou Wagner, l’on ne doit pas, pour autant, perdre de vue le fait
que la majorité des habitants de la planète revendique néanmoins une religiosité
sous une forme ou une autre.
Selon le Global Index of Religiosity and
Atheism, un rapport publié par l’Institut Gallup en juillet 2012, quelque 60%
des individus à travers le monde se considèrent « religieux », avec un découpage intéressant :
82% pour les Hindous, 81% parmi les Chrétiens,
74% parmi les Musulmans et 38% chez les Juifs.
Ceci est à mettre en relation avec un déclin
global de religiosité, entre 2005 et 2012, passant de 77% à 68%. (Notons que la
Suisse est en deuxième position passant, selon ce rapport, de 53% à 30%, de
« religiosité » donc –
encore faut-il voir comment ceci est empiriquement mesuré — durant la même
période 2005-2012.)
Dernier enseignement de cette étude pertinent
pour cette assemblée, les deux premiers pays « athées » (qui ne conçoivent pas l’existence de divinité
surnaturelle), selon les termes du rapport, se trouvent en Asie, à savoir la
Chine et le Japon.
Ce n’est pas le lieu, ici, d’examiner en
détails ce qui constitue une religion — et de le faire nécessairement de
manière comparative — mais plutôt, comme on l’a dit, de se pencher sur les
implications de ces croyances et notamment les soubresauts qu’ils génèrent et
que l’on peut observer ici et là. Pour autant, il importe de saisir de façon
générique la nature du sentiment religieux afin de cerner ce qui peut susciter
un radicalisme en son nom.
Dans Origine
et Développement de la Religion, l’orientaliste allemand Friedrich Max
Müller défini en 1879 la chose ainsi : « La religion est une faculté de l’esprit qui rend l’homme capable de
saisir l’infini sous des noms
différents et des déguisements changeants ». Très élégante formule que
cette « captation de l’infini », mais c’est en réalité bien plus
souvent l’immédiat terrestre, on
dira, qui informe le comportement de ceux qui usent de la religion pour
projeter leur intolérance à l’égard d’autrui.
Par ailleurs, la religiosité elle-même ou le sentiment de religiosité (la croyance en
une déité quelle qu’elle soit) peut également prendre des formes de
spiritualité ou syncrétisme. C’est le cas, par exemple, de la foi Bahaï ou — même
si on les identifie moins souvent comme tels — des Alaouites syriens qui ont incorporé des éléments du chiisme
perse, du christianisme byzantin et du panthéisme hellénistique.
Enfin, la tradition — paramètre fondamental
dans cette discussion — peut et s’est souvent substituée à la religion, par
simple pratiques et habitudes généralisées ou par dessein (par exemple, les
Talibans en Afghanistan dont les agissements et codifications sont les
résultantes de leurs propres lectures idiosyncratiques et non de la norme
islamique qu’ils théâtralisent).
Dans son texte fondateur de 1897, De la Définition des Phénomènes Religieux,
le sociologue français Émile Durkheim insistait de la sorte, à juste titre, sur
« les faits religieux » et
non « la religion ». Et c’est précisément, comme il écrit, cette
« multitude de manifestations
religieuses qui ne ressortissent à aucune religion proprement dite », qui
sont donc des pratiques éparses dont il s’agit de voir les affinités qui
peuvent naitre avec la violence et qui sont bien souvent connotées ou
constituées contre les vecteurs de tolérance que l’on peut rencontrer dans
toutes les religions.
Comprenons bien que la violence elle-même
n’est pas, on en conviendra sans nulle naïveté ou angélisme, absente de l’éthos
ou du récit des religions. Les textes sacrés des grandes religions
monothéistes, pour ne citer que celles-ci, sont assurément parsemés
d’illustrations où la démonstration de la foi s’illustre par quelque violence
faite à quelque chose, à quelqu’un ou à soi-même.
Le Christianisme de Jésus est une religion de
paix, mais le Pape Urbain II prêche la Croisade au 11ème siècle. L’Islam est une
religion de tolérance, mais les conquêtes arabes du 8ème siècle ont lieu sous
le sceau de la guerre sainte. Compassion pour « l’amour chrétien » et
pardon pour « l’entraide musulmane », bien compris donc.
Et pourtant, violences des siècles durant
autour de ces deux religions, entre elles et en leur seins — à nouveau pour ne
citer que celles-ci (mais Chrétiens et Musulmans constituent à eux deux la
moitié de la population mondiale). L’ancien testament hébraïque, par exemple,
contient également toute sorte d’épisodes de recours à la violence (et la Torah
parle de tribus « annihilées » par les Hébreux). La séquence est
connue : l’altérité ouvre le chemin à la stigmatisation qui mène à
l’aliénation et celle-ci à la victimisation, permettant au bout du compte la
violence (qui se meut elle-même toujours en cercle vicieux de vengeances).
Plus en avant, les rencontres entre ces mêmes
grandes religions, pensons bien entendu aux Croisades mais également aux
guerres intestines au sein de ces religions — les schismes Sunnite-Chiite en
Islam ou Catholique-Protestant en Chrétienté — offrent suffisamment d’exemples
d’opposition et de radicalismes politiques et sociaux devenant existentiels du
jour au lendemain et prenant la route de la violence et de l’élimination des
« infidèles », « impies », « mécréants » et
autres « hérétiques », quels qu’ils soient.
On trouvera également des auteurs qui
soutiennent que la religion — cet « opium des peuples » — est
intrinsèquement violente ou aliénatrice, ce que l’on peut entendre mais que je
ne pense pas pour ma part.
Croire en une déité, quelconque, ne mène pas,
il me semble, inévitablement, irrémédiablement, à l’exclusion, violente, de
ceux qui ne partagent pas cette croyance. Citoyenneté et religiosité ne sont
pas antinomiques. Ils n’ont, en tous cas, guère besoin de l’être. Et le
radicalisme religieux est presque toujours la conséquence d’une lecture libre,
et donc potentiellement déformante, et non pas d’une injonction scripturale
explicite.
De fait, ces fameuses guerres dites de
religion en Orient et Occident, n’ont, en réalité, fonctionnées de part et d’autres
que sur un mode de « sacralisation de la guerre ». L’opposition entre
Chrétienté et Islam avait ainsi eue lieu essentiellement à la faveur d’une martialité théologisée des termes de
l’échange, si l’on peut dire.
Comme le rapporte le médiéviste Jean Flori,
dans son ouvrage Guerre Sainte, Jihad,
Croisade paru il y a quelques années : « La sacralisation de la
guerre s’amplifie notablement en Orient et en Occident et la résistance des
populations se colore parfois de teintes prophétiques et d’espérance en des
interventions célestes… …et ceci apport[e] de nouveaux éléments de sacralité à
l’usage de la violence armée lorsque celle-ci est destinée à défendre… des
personnes et des bien terrestres. Les deux religions en arrivent à cette date
(fin du onzième siècle) à un niveau similaire de sacralisation de la guerre ».
Plus tôt, les Hébreux avaient, sur le même mode, développé la notion de Milchemet Mitzvah, une guerre lancée par
un pouvoir spirituel et menée pour des intérêts religieux.
Le poids de ce passé, et il est lourd, est
donc celui-ci : problème d’antinomie entre des prescriptions de paix et
des comportements de guerre ; des dynamiques de rapprochement et des
positions de rejet ; des tentatives de comprendre et accepter la différence
et des actions d’aliénation. Mais ce passé nous révèle également les limites de
cet exercice où les violences motivées par un tropisme religieux ne sont que
ceci, une justification, de l’instrumentalisation, de la dénaturation — en
un mot de l’esbroufe.
La violence peut être poursuivie pour un éventail
de raisons, et ceci inclus toutes sortes d’idéologies notamment religieuses.
Ces vecteurs religieux peuvent aisément être un refuge pour une rationalisation
(de l’épuration par exemple ; la quête des « vrais » croyants)
ou une projection de volonté (Deus vult,
Dieu le veut) puisqu’elles englobent un corpus de raisonnement déjà accepté par
telle ou telle communauté.
L’inspiration est, ainsi, prête et se module
selon les motivations des uns et des autres, et ceci met en relief en
particulier le rôle des leaders religieux, comme il souligne leur
responsabilité.
Cette architecture constitue, à mon sens, une
psychologie commune de l’homme à travers les âges et les régions dont nous
récoltons aujourd’hui les fruits vénéneux, et on a pu l’observer en Asie comme
ailleurs. En résumé, la répulsion
générant quelque violence a souvent résulté d’une distorsion d’éthiques religieuses explicitement ancrées
dans la tolérance (à nouveau, sans forcer le trait de religions qui portent
indéniablement un narratif de violence, qui est aussi dans la nature humaine).
Il ressort de cette réflexion que les chocs
qui peuvent émerger dans ce contexte sont ceux de l’interprétation et de la
mise en avant de lectures orientées.
Pour autant, on ne saurait minimiser des actions concrètes qui, au cours des
dernières décennies, ont cumulativement abouties à ce constat que nous pouvons
faire aujourd’hui d’un problématique regain d’acuité des violences religieuses.
On a ainsi beaucoup parlé de « fondamentalisme »
religieux depuis les années 1980. Très précisément, au lendemain de la
révolution iranienne de 1979 qui déposa une monarchie séculière (qui
interdisait explicitement toute manifestation religieuse et encadrait
strictement le clergé) et porta au pouvoir un régime religieux qui a mis en
place dans ce pays une théocratie sous la forme d’une république islamique. À
cet égard, le terme « fondamentalisme » est présent dans diverses
religions. Pour précision, il a d’ailleurs été inventé par un pasteur américain,
Curtis Lee Laws, à la suite d’un mouvement réformateur initié par les presbytériens
de Princeton au New Jersey en 1920.
On peut alors penser qu’en corrélation avec le
système communiste soviétique qui s’essouffle déjà (l’historien français Emmanuel
Todd prophétise tôt sa Chute Finale —
c’est le titre de son ouvrage — dès 1976), les événements à Téhéran ne sont pas
« simplement » une situation régionale mais intègrent ou révèlent un
début de visibilité accrue mondialement d’une relation entre crises politiques,
violences ou tension et religion.
À partir des années 1980 donc l’extrémisme
religieux occupe de plus en plus d’espace dans les relations internationales.
Puis, au cours des dernières années, la violence religieuse a été crescendo.
Dans un rapport publié il y a quinze jours, ce
14 janvier 2014 par le Pew Research Project on Religion and Public Life à
Washington, un tiers des pays de la planète (33%) connaissent une forme ou une
autre de conflit religieux. De plus, cette violence a augmenté au cours des
dernières années. Et, la seconde région ou cette augmentation est visible est
l’Asie, précisément, l’Asie-Pacifique, précédée uniquement par le Moyen-Orient
et l’Afrique du Nord.
Quelles sont les raisons pour lesquelles cette
violence a lieu ? D’où vient cette évolution qui fait la part belle à
l’extrémisme ?
On peut avancer plusieurs éléments de
réponses.
Une première série, la plus directe peut-être,
est à trouver dans des mesures concrètes qui peuvent aliéner des communautés,
poussant certains de leurs membres à faire le choix de la violence. Ainsi en
va-t-il des restrictions que des gouvernements particuliers posent à
l’observation d’une religion. C’est notamment le cas de la Chine, mais
également de la Birmanie et de l’Indonésie, et ceci crée ou nourrit des
hostilités.
Voyons sur d’autres versants comment les
tensions entre Coptes et Musulmans se sont jouées ces dernières années, et ce,
jusqu’à la veille du « printemps arabe » tout au long de l’année 2010
en particulier, ou, plus vers l’Asie, les Chrétiens et Assyriens en Irak, ou
ceux aujourd’hui en Syrie.
Au-delà de cette dimension de « rejet
radicalisant » on dira, je vois trois grandes raisons pour ce regain contemporain
de violences religieuses.
La première concerne la période de l’Histoire dans laquelle nous nous trouvons. Nous
l’avons dit, la violence religieuse vient de loin. Mais, il semblerait qu’elle
soit en augmentation, si l’on en croit les chiffres cités, ce qui voudrait
également dire qu’elle a connu une période ou elle était moins importante, ou en
tous cas moins visible. Si cela était le cas, je pense que l’inévitable réponse
serait donc à situer dans la rupture qu’a marquée la fin de la Guerre Froide.
Lorsqu’en 1993, le politologue Samuel
Huntington publiait un article dans la revue Foreign Affairs intitulé « Choc de Civilisations ? »
dans lequel il affirmait que la fin de la guerre froide annonçait le début
d’une ère qui serait marquée par la montée des tensions entre les différents
groupements culturels, une levée de boucliers générale condamnait un tel
alarmisme culturel.
(Je me trouvais à Harvard à cette époque en
tant que jeune post-doctorant et ai eu l’occasion à la fois de suivre de près
cet épisode et de m’entretenir longuement avec le professeur américain.)
Pourtant, si l’on met de côté le procès médiatique
du « choc de civilisations » et l’instrumentalisation politicienne de
ce qui n’est qu’une théorie de sciences politiques (s’inscrivant dans la lignée
métahistorique d’Ibn Khaldoun, Arnold Toynbee, Fernand Braudel, Oswald Spengler
et Immanuel Wallerstein) par les extrémistes en Occident comme en Orient (très ironiquement
à la fois Al Qaeda et l’administration Bush s’y réfèrent dans leurs
déclarations respectives), une certaine utilité analytique émerge de ce
constat.
Que disait Huntington en substance ?
Définissant les civilisations comme des
entités culturelles, il avance d’abord l’argument que les relations
internationales sont, depuis la fin de la Guerre Froide, entrées dans une
nouvelle phase dans laquelle le prochain mode de conflit ne sera ni idéologique
ni économique mais d’ordre culturel. Les failles entre les « civilisations »
(terme vaste et élastique on en conviendra) constitueront, ensuite, les fronts
de guerre du futur.
Pour lui, les nouveaux conflits ne résulteront
plus d’affrontements idéologiques ou de rivalités économiques, ils seront
d’ordre culturel et religieux.
De plus, le rétrécissement du monde en un
village planétaire œuvrant à accentuer les différentes consciences, la
domination de l’Occident — portée par les États-Unis — pousse les autres
civilisations à chercher à s’y opposer
de façon non-occidentale (le sous-titre de son ouvrage est The West and the Rest).
Au final, pour certains groupes, les
caractéristiques d’identités culturelles (« qu’êtes-vous ? ») ou
religieuses (« en quoi croyez-vous ? ») sont, dans cette
période, moins aptes à la mutation et, de fait, moins à même d’être compromises
que les déterminants politiques (« de quel côté êtes-vous ? »)
puisque l’opposition idéologique de type Guerre Froide appartiendrait au passé.
En réalité, Huntington introduit simplement un
paradigme ancien pour analyser une
situation nouvelle dans un champ de
relations internationales évolutif.
L’universitaire met en avant la compétition
religieuse, et l’identité civilisationnelle qui l’englobe, comme facteurs-clefs
dans un agencement international au sein duquel les loyautés politiques se sont
déplacées. Une analyse rigoureuse de la géopolitique du dernier quart du
vingtième siècle lui donne raison, sur ce
point.
On peut être ou ne pas être d’accord avec
Huntington, et son déterminisme pose problème, mais le fait est que depuis la
parution de son ouvrage les hostilités religieuses se greffant sur tel ou tel
conflit sont devenues plus visibles que durant les décennies précédentes, et,
nous dit le Pew Research Center, en augmentation statistique.
Une seconde famille de raisons qui peut, à mon
sens, expliquer le regain de violences et celui de l’irrésolution de certains conflits qui peuvent désormais prêter
flanc à des lectures religieuses radicales. Et ceci est également lié à cette
(ré)ouverture de l’après-guerre Froide où le retour aux identités (problème
tchéchène, problème kurde, problème touarègue, etc…) remet en selle des
questions religieuses demeurées
irrésolues depuis la période coloniale.
Que ce soit dans les territoires autrefois
contrôlés par l’empire britannique (Inde, Pakistan, Bangladesh) ou français (Cambodge,
Laos, Vietnam), les tensions religieuses demeurent vives et toute nouvelle
configuration de l’ordre globale peut permettre aux extrémistes de réinvestir
ces questions enfouies.
Au Sri Lanka, ces dernières années des moines
bouddhistes ont attaqué à la fois des églises et des mosquées. Au Vietnam, les
adeptes du Caodaïsme, une religion syncrétiste née dans les années 1920, se
sont récemment violemment affrontés.
De même, la répression et l’intimidation des musulmans
Ouïghours en Chine dans la région du Xinjiang a pris une grande ampleur au
cours des dernières années, ce qui a pu nourrir le radicalisme en leur sein
(d’aucuns pensent, par exemple, que le récent attentat de la place Tiananmen en
octobre dernier aurait été le fait d’extrémistes ouighours). En Birmanie, les
violences interconfessionnelles entre les communautés des musulmans Rohingya et
des bouddhistes Rakhine n’ont pas cessés avec des lynchages en 2012, et,
globalement, l’exil de plus de 100,000 personnes.
Enfin, troisième tropisme, l’extrémisme
religieux, en Asie comme ailleurs, est plus visible aujourd’hui dans des
terreaux qui connaissent une forme ou une autre de transition.
À cet égard, je vous soumets l’idée que la
transition est peut-être la grande matrice explicative de notre époque et que,
depuis, 35 ans nous sommes, sans l’avoir peut-être assez souligné, dans une
grande transition qui se donne la main de l’après-Guerre
Froide à l’après-11 Septembre à,
déjà, l’après-Printemps arabe.
Or, l’une des conséquences des périodes de
transitions est l’ouverture du champ de compétition politique et sociale, qui
peut se traduire en hostilités prenant appui dans des différences ethniques ou
religieuses.
La transition post-soviétique libère ainsi toute
sorte de velléités d’émancipation religieuses en Asie Centrale et au Caucase,
et bien entendu aux Balkans. Les conflits de l’après-11 Septembre en
Afghanistan et en Iraq sont traversés de dimensions religieuses qui, souvent,
relèguent l’objet anti-terroriste au second plan. Enfin, l’après-Printemps
Arabe est dominé par ce qui est en passe de devenir le grand conflit de notre
époque dans une large aire allant du Levant à l’Asie en passant par le Golfe, à
savoir l’opposition de plus en plus existentielle entre les musulmans Sunnites
et les musulmans Chiites. Ce conflit est illustré de façon extrême en Syrie par
exemple.
Voilà, chers amis, Mesdames et Messieurs, les
quelques réflexions que je voulais partager avec vous sur cet important sujet
et que nous devons garder à l’esprit à la fois pour mieux comprendre et cerner
les manifestations de ces radicalismes, en Asie et au-delà, mais également pour
nous en prévenir en préservant et cultivant ce qui est particulièrement précieux,
à savoir intelligence, nuance et tolérance.
Je vous remercie pour votre attention.
______________________
LE CERCLE DES AMITIES
INTERNATIONALES, GENÈVE
Fondé
en 1920
vous
prie d’assister à une soirée
Le
mercredi 26 février 2014 à 18h 30
Au
Cercle de la Terrasse
Rue
Jean-Gabriel Eynard 4 – 1205 Genève
avec
Monsieur Pierre MAUDET
Conseiller d’Etat
qui donnera une
conférence sur
« Depuis
des siècles,
l’intégration
est un enjeu de la société genevoise.
Et
il en sera ainsi demain »
18h30 : Accueil
19h00 :
Conférence
20h30 : Cocktail
dînatoire
Prix : pour
les Membres du Cercle : CHF 60.-
pour les non-membres : CHF 70.-
Inscriptions : jusqu’au
vendredi 21 février 2014, CP 2096, 1211 Genève 1
par courriel à :
cercleamities@bluewin.ch
Prière
de noter que seul le versement au CCP 12-2320-5 confirmera les inscriptions.
(IBAN de notre CCP : CH64 0900 0000 1200 2320 5)
http://cercleamitiesinternationales.blogspot.com/
PIERRE MAUDET
Activité du Bureau de l’intégration
des Etrangers (BIE)
Le Bureau de l’intégration des étrangers du
canton de Genève est rattaché au Département de la sécurité (DS) conduit par
Monsieur le Conseiller d’Etat Pierre Maudet.
Les missions du BIE sont dictées notamment par
la loi cantonale sur l’intégration des étrangers (A2 55) de juin 2001 et par la
loi fédérale sur les étrangers (LEtr) de décembre 2005.
Concrètement, dès 2014, le BIE mettra en œuvre
le Programme d’intégration cantonal 2014-2017 (PIC) qu’il a élaboré en
collaboration avec les partenaires institutionnels et associatifs genevois
concernés par les questions de migration et d’intégration.
Le PIC repose sur 8 thématiques principales,
12 objectifs stratégiques fédéraux et 31 objectifs cantonaux. Près de 80
mesures y sont inscrites afin d’atteindre les objectifs.
Par une approche pragmatique qui prend en
compte les réalités de terrain, la mise en œuvre du PIC genevois permettra de
renforcer l’intégration des étrangers à Genève, de prévenir l’exclusion et de
lutter contre le racisme et les discriminations. Les résultats de ce travail
contribueront à la cohésion sociale et à la sécurité dans notre canton.
Bref currivculum vitae de Monsieur
le Conseiller d’Etat Pierre Maudet :
Né en 1978 à Genève, marié et père de famille
1993 Création du Parlement des Jeunes
1999 Conseiller Municipal en Ville de Genève
2005 Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse
2006 Juriste, Master en droit de l’Université
de Fribourg.
2007 Election au Conseil Administratif de la Ville de Genève
Capitaine dans l’aide militaire en cas de
catastrophe
Président du Parti Radical genevois
Prochaines soirées de l’AGA, ouvertes aux
Membres du Cercle :
- le 27 février avec M. Philippe
NEESER sur le Japon
- et le 20 mars avec Eric HOESLI sur la Russie
Le Cercle organisera une soirée début avril au Cercle de la Terrasse
Confirmation et programme suivront
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